Le délai de grâce en matière de conception est un principe fondamental qui permet aux concepteurs de tester leurs produits sur le marché avant que le dessin ou modèle ne soit officiellement enregistré. Récemment, le Tribunal de l’Union européenne a fourni une référence importante sur l’application de ce principe, en particulier sur la relation entre un dessin ou modèle publié et un dessin ou modèle enregistré ultérieurement.
Base juridique :
- Conformément à l'article 7(2) du règlement (CE) n° 6/2002, la divulgation d'un dessin ou modèle par le créateur ou ses ayants droit au cours des 12 mois précédant la demande d'enregistrement n'affecte pas l'appréciation de la nouveauté et du caractère distinctif du dessin ou modèle. Ce mécanisme permet aux créateurs de design de vérifier le succès commercial d’un design avant de l’enregistrer.
- Dans l'affaire T-66/24, le Tribunal de l'Union européenne a statué sur l'enregistrement d'un dessin ou modèle communautaire pour une ampoule LED par Liquidleds Lighting Corp. (le défendeur), qui a été contesté par Lidl Vertriebs GmbH & Co. KG (le requérant) pour défaut de nouveauté et de caractère distinctif. L'appelant a soutenu que la divulgation antérieure du dessin ou modèle devait être prise en compte pour évaluer la validité du dessin ou modèle enregistré.
Le tribunal a en outre précisé que l’ensemble du délai de grâce n’exige pas une cohérence absolue entre le dessin ou modèle divulgué et le dessin ou modèle enregistré ; les modifications de conception pendant la période de grâce sont autorisées à condition que la conception finale conserve la même impression générale que la conception initialement divulguée ; la période de grâce permet aux concepteurs d'ajuster leurs produits en fonction des retours du marché sans perdre la protection juridique, protégeant ainsi l'innovation.
La Cour a jugé que la charge de la preuve était répartie et que le titulaire du brevet devait prouver que la divulgation avait été effectuée dans le délai de grâce, c'est-à-dire que l'exception prévue à l'article 7(2) du règlement n° 6/2002 précité s'appliquait ; le demandeur en nullité pouvait contester l'application de la disposition ci-dessus mais n'avait pas besoin de prouver qu'elle ne s'appliquait pas.
Conclusion
Cette décision constitue une avancée importante dans la protection des droits des créateurs en confirmant que le délai de grâce ne se limite pas aux dessins et modèles identiques mais s’applique également aux dessins et modèles qui ont été modifiés tout en conservant la même impression générale. En outre, la décision renforce la possibilité pour les créateurs de tester leurs produits sur le marché sans affecter la protection juridique. L’approche de la Cour établit un équilibre entre la protection de l’innovation et la transparence du système de conception communautaire, offrant ainsi une plus grande sécurité juridique aux professionnels du secteur de la conception.
Il est important de noter que l’interprétation de la Cour est entièrement cohérente avec le nouveau règlement sur les dessins et modèles de l’UE à venir (2024/2822) – dont certaines parties entreront en vigueur le 1er mai 2025 – qui prévoit explicitement que l’auto-divulgation d’un dessin ou modèle antérieur « nécessite la même protection qu’un dessin ou modèle de l’UE enregistré ou ne diffère pas en termes d’impression globale ». Cette cohérence juridique contribue à garantir un cadre juridique stable et uniforme même après l’entrée en vigueur de nouvelles réglementations.
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